Ma journée achevé, j'étais pourtant encore dans la salle des ambulanciers, un café noir à la main et le dossier du dernier rapatrier dans l'autre. Comme chaque soir depuis bientôt un mois, je m'inventais n'importe quelle excuse pour rester le plus longtemps possible au travail et donc rentrer le plus tard possible pour retrouver mon épouse. Déposant le dossier du patient avec un soupir, je laissais mon regard flotter dans la pièce hésitant à encore rester un moment ou enfin rentrer chez moi et essayer d'avoir une vie de couple normale, enfin du moins la plus normale possible, chose qui devenait de plus en plus difficile. Finissant la fin de mon café, je me relevais pour laver la tasse et la ranger avec les autres pour que le prochain n'ai pas besoin de laver la tasse. Parcourant une dernière fois la pièce du regard, je décide enfin de rentrer dans l'appartement que j'avais acheté en compagnie de Charlotte. Enfouissant les mains dans les poches de ma veste en cuir, je quitte l'hôpital, tout en saluant quelques infirmières et médecins que je croisais jusqu'à la sortie. Une fois à l'extérieur, je fus surpris par le froid qu'il faisait et je du rapidement monter la fermeture de ma veste jusqu'en haut. D'un pas plutôt normal, je me dirigeais donc vers l'appartement, me demandant si ma femme était là où si elle était sortie faire une soirée avec Julia. Ma raison espérait qu'elle soit là mais mon coeur espérait le contraire et c'était deux sentiments très épuisant à porter. Marchant d'un pas plutôt rapide pour essayer de me réchauffer, j'avais quand même hâte d'arriver au chaud pour boire un nouveau café bien brûlant. Au bout d'une vingtaine de minutes de marche dans le froid, j'arrivais enfin en bas de l'immeuble et en quelques secondes à peines, je me retrouvais derrière la porte de l'appartement. Sortant la clef, j'ouvris la porte et me retrouvais dans le corridor. Un petit sourire apparu lentement sur mes lèvres. Charlotte, je suis rentrée, tu es là ?? Question un peu bête je devais bien l'avouer, car si elle n'était pas là, personne n'allait me répondre. Déposant ma veste sur le porte-manteau, je me dirigeais ensuite vers la cuisine, comme à chaque fois que je rentrais du travail pour me faire un café. C'était un rituel et je ne le changerais pour rien au monde. En attendant que mon café soit prêt, je m'installait à table et commença de surfer sur le net avec mon portable.

Tu avais une envie fulgurante de te pendre. La prochaine personne qui te féliciterait à propos de ta grossesse ne sortirait pas de cet hôpital vivant. La nouvelle avait fait le tour des étages dans lesquels tu travaillais. Un hôpital c’est comme une communauté, tout le monde finit par tout savoir sur tout le monde en un rien de temps. Tu voyais tous ces sourires autour de toi et tu entendais des dizaines de félicitations alors que tout ce que tu voulais faire c’était fondre en larmes. Tu pleurais constamment depuis que tu avais appris la nouvelle et tu détestais tes hormones de rendre les choses encore plus difficiles. Depuis que Tom avait parlé au directeur de l’hôpital, tu ne faisais plus que des horaires de bureau ce qui ne faisait rien pour te redonner le sourire car cela voulait dire que tu passais plus de temps dans ton appartement vide. Tout le monde à l’hôpital pensait que Keenan et toi vous étiez le couple parfait, tu avais tellement envi de leur rire au nez. Alors autour de six heures, tu avais quitté l’hôpital et tu étais rentrée chez toi. Tu ignorais si ton mari allait rentrer ou non ce soir mais tu savais que s’il le faisait, il rentrerait le plus tard possible. Tu ne voyais pas d’autres raisons à le voir rentrer aussi tard de toute manière. Tu avais emporté quelques dossiers avec toi et tu te penchais là dessus une fois chez toi essayant d’oublier les larmes qui coulaient sur tes joues. Tu étais perdue, comme une enfant qui ne savait pas quoi faire alors qu’elle avait perdu sa famille. Tu savais que tu risquais de toute perdre et cela te terrifiait plus que tout au monde. Tu finis par aller à la douche, tu laissais les dossiers ouverts sur la table. Tu aurais le temps de préparer à manger après de toute manière. Tu laissais l’eau couler et effacer un petit peu tes yeux rouges avant de sortir. Alors que tu enfilais une serviette, tu entendis : « Charlotte, je suis rentrée, tu es là ?? » Tu te figeais pendant quelques secondes. Alors il était là ce soir … Tu te demandais sérieusement comment cette soirée allait se dérouler, tu n’étais pas certaine qu’elle se déroule d’une très bonne manière. Si tu en avais marre d’être infirmière, tu pouvais toujours devenir actrice, tu savais parfaitement bien jouer le rôle de celle qui ne se doute de rien. Tu partis dans la chambre et tu enfilais un jean et un t-shirt. Tu avais envi d’enfiler un survêtement mais tu voulais essayer d’attirer le regard de Keenan ne serait-ce qu’un peu. Cependant, tu savais au plus profond de toi que peu importe la tenue que tu choisissais, il ne le remarquerait pas. Tu te dirigeais ensuite vers la cuisine où tu le trouvais devant son café en train de regarder son téléphone. « Désolé, j’étais à la douche. Et oui, je suis là, je suis tout le temps là. » Dis-tu sans oser ajouter qu’il le saurait si lui passait un peu de temps à l’appartement. Il était tellement peu là qu’il n’avait même pas remarqué tes changements d’horaires ni le fait que tu semblais bien moins heureuse que d’habitude. De toute manière, il ne remarquait jamais rien. « Bonne journée ? » Demandas-tu tout simplement. Au moins tu avais quelque chose à dire pour lancer la conversation, si tu devais la relancer, tu en serais incapable.