« T’es bizarre comme fille. » Cette réflexion m’a fait méditer quelques minutes tandis que je finissais le dessin que je faisais. « A la différence que je sois une fille, t’es aussi bizarre que moi. Et en plus t’as une face de crapaud. » Le garçon à côté de moi m’a fixé avec ce regard méchant qu’il a l’habitude de me gratifié. « Et toi à un cochon on fait la paire. » Je l’ai à mon tour gratifié d’un regard ironique avant de regarder autour de nous. Je me suis mise à fixer ce groupe d’enfant de notre classe qui nous dévisage. « Sale russe… retourne dans ta neige monstre. » Voilà ce que j’ai pu entendre tout le long de mon enfance. Mon accent a toujours fait peur, on me trouvait déjà bizarre part mon attitude. Mon accent était la goute de trop pour eux. Je suis passé du stade de bizarre drôle, au stade de bizarre bizarre, menant à l’exclusion. Heureusement ou malheureusement pour moi parfois y’a des lunettes de soleil qui vous aide à passer outre votre célébrité gênante mais moi les miennes elles ne sont pas comme les autres elles s’appellent Silas. Ouais elles sont cool, mais elles me font une face de cochon avec leur aspect de grenouille écrabouillée. « Ils ont pas d’imagination. Ils pourraient te nommer Piggy comme Piggy la cochonne dans le Muppets Show… Tiens je sais quoi t’offrir pour ton anniversaire ! » Je l’ai fixé durant de longues minutes, un peu sceptique. « Ouais et toi tu seras Kermit. C’est fou comme tu lui ressembles à faire bla bla bla bla bla. » En même temps de parler je me suis mise à mimer ce à quoi il ressemblait de mon point de vu. Il a grogné puis j’ai reçu quelque chose en pleine figure. Ce quelque chose m’a dégouliné dessus, ça a gouté en faisant des gouttelettes rouges sur mon dessin. De la peinture. J’ai relevé le regard et j’ai foudroyé le garçon en face de moi. « Sale grenouille visqueuse en toile d’araignée tu vas… » Je me suis mise à lui sortir tous les vilains mots russes qui me venait à l’esprit. Tous les mots que papa et maman refusaient que je dise alors qu’eux les disaient constamment. Il a continué à me regarder comme si je venais de mars alors que je me ruais sur lui pour le frapper sauvageonne que j’étais déjà à l’époque. En fin de compte, maman avait raison en disant qu’il ne fallait pas m’enseigner l’art d’utiliser mes poings, car ce petit « écart de conduite », termes souligné par le proviseur, m’a valu pas mal d’ennui. Mais j’ai appris que si je veux frapper cette grenouille débile ne faut pas que je le fasse à l’école. Pratique comme expérience.

Voilà déjà un moment que j’échange des nouvelles et parle d’anecdotes avec mon oncle. Je ne vois pas le temps passer, mais le vibrement de mon portable me ramène au présent. Celui-ci est suivit de près d’une sonnerie que je n’aime pas entendre. « It’s Kermit, I’m a frog. It’s Kermit, I’m a ugly frog. » Soupirant, je me saisis de mon portable et le regarde un long moment. Mon visage se tord en une moue indécise. Je réponds, je ne réponds pas… La dure question de mon existence, avoir ou non une confrontation avec le Kermit de ma vie. Mon oncle dépose un doux baiser sur le sommet de son crâne et me sourit avant de franchir la porte. Je grogne quand la sonnerie retentit de nouveau. Je déverrouille mon BlackBerry et décroche. « Quoi ? » En y pensant c’est bien que je connaisse mon interlocuteur j’aurais pu passer pour une associable, agressive au bout du fil. « Je vois que ça te fait plaisir de m’avoir au téléphone. » « Je suis aux anges tu vois. Je saute partout dans l’appartement avec un sourire en banane… » « Et que portes-tu ? » Bizarrement j’ai l’impression durant un court moment que ça voix se fait plus sensuelle, je dois divaguer. « Je portes les vêtements d’oncle Charlie qu’il arborait à notre remise de diplôme. » J’entends son rire et je me fais sourire moi-même. Ces vêtements nous ont tellement marqué l’un l’autre qu’on en fait souvent allusion pour nous amuser, bien sûr pas en la présence de mon tuteur. « Bon qu’est-ce que tu veux mon Kermit d’amour, j’allais me faire à manger alors va droit au but ! » Je me mis à marcher vers la cuisine. « Court ? Résumé ? Conscrit ? Droit au but ? J’ai besoin de toi au bar. » Je lâche le paquet de pates que je viens de prendre et pose le téléphone contre mon autre oreille. « Hors de question ! » Non mais comme si j’allais dire oui parce que c’est lui. « Et comment compte tu payais ta part du loyer avec tes achats d’accroc du shopping d’hier ? » « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Nier est le meilleur moyen que j’ai sous la main pour le moment. « Ne fais pas comme si. J’ai vu les deux sacs ras plein. Ramènes tes fesse dans 15 minutes sinon tu vas connaître l’enfer ma petite. » « Je ne suis pas à tes ordres espèce de grenouille diabolique. Démerdes toi tout seul ! » Et hop je raccroche. Non mais comme si je vais céder sous des simples menaces. Simples mais terribles. Qu’est-ce qui va me pondre cette fois ? La dernière fois il m’a empêché de dormir quatre jours en faisant la grande bringue avec sa guitare. La fois d’avant il a remplacé mon dentifrice par je ne sais trop quoi, et il a bousillé mes sous-vêtement en les mettant dans la machines à 90°C. Bien sûr mon calvaire a pris fin quand je l’ai supplié d’arrêter, accompagner d’excuses pour des broutilles. Et si je le devançai ? Au moins j’aurais une raison valable pour qu’il m’en veuille. Un sourire diabolique se dessine sur mes lèvres, tandis que divers plans bien salopards défilent dans mon esprit. Ah non ça j’ai déjà fait. Hum trop gamin… Non là je pourrais signer mon arrêt de mort… AH AH Fabuleux ! À peine penser, je laisse mes pas me guider vers la chambre de Kermit. Avant d’ouvrir, la porte je fronce les sourcils en songeant qu’encore hier il a ramené une fille. Ce mec ne sait vraiment pas se contrôler. Il ne songe vraiment pas à moi, ou bien le fait-il exprès ? Ça serait bien son genre à l’autre grenouille chétive ! J’entre et sans m’arrêter aux détails que je connais presque par cœur, je fais irruption dans sa salle de bain et me saisis de la bombe de mousse à raser. Je commence à ricaner toute seule et retourne dans la chambre et repousse la couette. Et avec un plaisir malsain je vide la mousse à raser sur le lit. Au bout de quelques minutes j’en viens à secouer la bombe tristement « Déjà fini, Tsss c’est nul ! » Je regarde mon œuvre, et souris pas peu fière. Je recouvre le lit de la couette et m’assure que ça ne fasse pas trop suspect, donc pas trop fait et pas trop défait un poil entre les deux. Satisfaite du rendu je vais pour ressortir quand mon regard se dépose sur la commande. Une idée me vient pour me venger, mais avant tout la sécurité ! Je pars vers la cuisine pour revenir dans la chambre munie d’un masque chirurgicale et de gants en caoutchouc. J’ouvre le premier tiroir et fou dans un sac les sous vêtement de la grenouille toxique. Après la première tâche accomplie je me dirige vers le balcon et accroche mes trophées sur le rebord du balcon. Chouette en plus il pleut ! Parfois je m’aime plus que la normal. Je rentre au chaud et défais tout mon attirail avant de me saisir de mon portable. « Qu’est-ce que tu fous ? Grouille. Les filles ont toutes choppé la grippe me faut vraiment une serveuse en rabe s’il te plait. » Est-il si désespéré que ça ? Je jette un œil au balcon et hausse les épaules. M’en fou après je suis payée. Je ricane dans ma barbe –que je n’ai pas, heureusement pour moi- et m’habille pour sortir. Ma vie à Dublin peut se montrer très divertissante, comme aujourd’hui.


Nb: Vous noterez que l'espèce des cochons est bien plus intelligente -et plus belle- que ce qui se fait appeler grenouille.